Alexandre Chéronnet
Alexandre Chéronnet – Interview portrait Il a cofondé une LegalTech, levé des fonds, structuré des équipes. Puis il est revenu au droit en créant un cabinet à son image : positionnement clair, offres forfaitaires, culture remote et site pensé comme un vrai produit. Alexandre Chéronnet est l’archétype de l’avocat entrepreneur. Son parcours dit beaucoup de ce que pourrait être l’avocat de demain : indépendant, entrepreneur, lisible. Entretien avec un professionnel qui a décidé de repenser les règles du jeu. ORIGINES ET PARCOURS Quel chemin vous a mené au droit ? Je me définis vraiment comme un avocat et un entrepreneur. Et les deux sont venus un peu en même temps. Au départ, je n’ai pas fait l’université de droit, j’ai fait Sciences Po, une spécificité française. C’était une formation très généraliste, avec pas mal d’économie, d’histoire mais finalement assez peu de droit. J’ai eu la chance de faire ma troisième année à l’étranger, dans une école de commerce au Canada. C’est là que j’ai rencontré ma femme, et aussi l’un de mes futurs associés dans la LegalTech que j’ai cofondée plus tard, Predictice. À ce moment-là, j’étais attiré par la finance, mais j’étais plutôt un profil latin, grec. Je viens d’une famille de fonctionnaires, donc l’univers du business m’attirait aussi parce que c’était très différent de ce que je connaissais. Et comme j’aimais les sujets stratégiques, économiques, financiers, le droit des affaires m’a semblé être un bon compromis. Je suis donc un peu arrivé au droit par hasard, mais j’y ai tout de suite trouvé du sens. J’ai enchaîné avec une première année de cours, puis une année de césure avec des stages en M&A dans deux cabinets parisiens dont je garde d’excellents souvenirs. PREMIERS PROJETS ENTREPRENEURIAUX Votre première entreprise était très éloignée du droit. Que faisiez-vous exactement ? Pendant mon master, un ami m’a proposé de lancer une galerie d’art en ligne. C’était les débuts du street art en France, il y avait beaucoup d’événements, on adorait ça. On a créé The Wall, une plateforme qui proposait des œuvres d’art urbain, mais aussi des vêtements, de l’événementiel. On allait même jusqu’à fabriquer nous-mêmes les supports, des reproductions de murs urbains enchâssées dans des cadres en bois, dans un atelier du 93. Ça m’a permis de rencontrer beaucoup de gens de milieux artistiques et entrepreneuriaux que je ne connaissais pas. C’était ma première expérience de création de boîte. On a signé, en termes d’artistes, 70 % de la scène street art française de l’époque avec des artistes que moi, je connaissais quand j’étais petit, les artistes des années 80. C’était une super expérience. Cette aventure s’est naturellement arrêtée quand, avec Louis, on a décidé de lancer Predictice. L’AVENTURE PREDICTICE Comment est née Predictice ? Avec Louis, on était tous les deux à l’école du barreau. On a décidé d’arrêter le parcours avant la fin pour se lancer à fond dans un nouveau projet : une LegalTech. J’ai aussi embarqué un ancien colocataire rencontré au Canada, qui avait un profil ingénieur. À trois, on a réfléchi à un produit capable d’organiser toute l’information juridique grâce à l’intelligence artificielle et à l’Open Data. C’est comme ça qu’est née Predictice : une plateforme SaaS dédiée aux professionnels du droit. Predictice a été lancée en 2016. En 2017, on a intégré l’incubateur de Télécom ParisTech. En un an, on avait déjà cinq personnes dans l’équipe, avec un bon équilibre entre profils tech et profils juridiques. Comment vous répartissiez-vous les rôles chez Predictice ? Louis s’occupait du marketing et des ventes et Thomas du produit et de la tech. Moi, je prenais en charge le support client, la structuration RH et juridique de la boîte et surtout les financements. Les projets tech consomment beaucoup de ressources. On a levé des fonds dès 2017, puis à nouveau en 2019. En tout, plus de 5 millions d’euros, auxquels s’ajoutaient des leviers non dilutifs : subventions, crédit d’impôt, dette. Cette expérience m’a aussi donné de solides réflexes financiers : aujourd’hui, je comprends très bien les logiques de fonds propres, de dette, d’equity, et les différents outils à activer pour financer une entreprise, que ce soit une start-up ou une PME. LANCEMENT DE SON CABINET Pourquoi avoir lancé votre propre cabinet d’avocat après Predictice ? A un moment, j’ai senti que j’avais envie d’un projet plus personnel. J’ai donc décidé de lancer mon cabinet d’avocat, en me mettant dans la peau de mes anciens associés : s’ils avaient eu besoin d’un avocat à ce moment-là, lequel leur aurait été utile ? C’est comme ça que j’ai conçu mon positionnement. J’ai structuré mon site comme une landing page de SaaS. J’ai proposé des forfaits, une approche pluridisciplinaire, et surtout une cible très claire : les fondateurs de boîtes tech, souvent de moins de 50 salariés. Depuis, mon positionnement a évolué. Je ne fais plus de droit du travail moi-même, je m’appuie sur un réseau de confrères. Je travaille aussi avec de plus gros clients, mais je garde une ligne directrice : je veux que ce soient des entreprises tech, avec une culture du remote, soit parce qu’elles fonctionnent à distance, soit parce qu’elles acceptent de collaborer avec un prestataire à distance. Pourquoi avoir fait le choix du remote dans votre cabinet ? C’est venu assez naturellement, parce que j’avais déjà une forte expérience du télétravail et je souhaitais exercer pendant au moins un an depuis le Mexique. Ensuite parce que j’avais vécu certaines choses en cabinet qui ne me convenaient pas. J’ai fait des stages dans de très bons cabinets, j’y ai rencontré des gens formidables, mais plusieurs éléments m’ont dérangé. Le premier, c’est la culture du présentiel. Rester tard au bureau, pour moi, n’a plus aucun sens aujourd’hui dans une profession intellectuelle. Souvent, derrière ça, il y a un manque de formation en management. Le second, c’est l’instantanéité : tout est urgent, tout doit être traité dans l’instant. Moi, je préfère travailler de manière asynchrone. J’aime rédiger, collaborer par écrit, prendre le temps de produire proprement. Et ça