
Thomas Le Stum - Interview portrait
Thomas Le Stum fait partie de cette nouvelle génération d’avocats : les avocats entrepreneurs.
Formé chez EY, il a choisi de construire un modèle différent : un cabinet à taille humaine, exigeant sur le fond, agile dans la forme, et résolument tourné vers l’accompagnement des PME.
Dans cet entretien, il partage avec sincérité son parcours, ses influences, et sa vision d’un métier en pleine transformation.
SE FORMER DANS LES GRANDS CABINETS, MAIS RESTER LIBRE
Vous avez commencé chez EY. Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?
EY, c’est une véritable école. Chez EY, j’ai appris ce que signifiait la rigueur juridique. On ne pouvait pas écrire une ligne sans être capable d’en justifier le fondement, avec texte, jurisprudence, doctrine. C’est une formation d’excellence.
On y apprend un niveau d’exigence très élevé sur la qualité du travail produit. C’est la base de notre métier, surtout face aux évolutions comme l’IA. Et l’on y construit aussi un réseau solide.
Et pourquoi êtes-vous revenu à Montpellier après Paris ?
Je souhaitais revenir dans ma région d’origine. J’ai intégré le bureau montpelliérain d’EY, puis j’ai rejoint un cabinet local en tant que collaborateur. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à développer ma propre clientèle, ce qui m’a permis de devenir associé au bout de quelques années.
Après ces expériences, comment est venue l’idée de créer Lumis ?
Je voulais un cabinet aligné avec ma manière de voir le métier : exigeant juridiquement, mais aussi souple, humain, et adapté aux enjeux concrets des PME. Mon objectif était d’avoir un cabinet réactif, pragmatique, avec une vraie attention portée à la relation client, à l’ancrage local et à l’accompagnement global des PME.
MANAGER SANS REPRODUIRE LES ERREURS D'HIER
Sur le plan humain, quelle est votre vision du management en cabinet d’avocats ?
Je pense qu’il faut sortir du modèle hiérarchique classique. J’essaie d’être dans une logique inversée : ce n’est pas ma collaboratrice qui est “à mon service”, c’est moi qui dois créer les conditions pour qu’elle ait envie de rester.
Je considère que j’ai de la chance que ma collaboratrice travaille pour moi, pas l’inverse.
J’essaie de ne pas reproduire les mauvaises expériences que j’ai pu vivre. Techniquement, j’ai reçu une très bonne formation, mais humainement, certaines situations ont été difficiles.
Être bienveillant, clair et exigeant sans être oppressant. Cela ne veut pas dire être « cool » dans le mauvais sens du terme. On peut être exigeant sans être autoritaire.
Comment abordez-vous le recrutement dans votre cabinet ?
Pour moi, le recrutement est un cercle vertueux. Ma collaboratrice actuelle est excellente. Elle parle positivement du cabinet, recommande de bons profils. C’est elle qui m’a présenté une stagiaire l’an dernier, une étudiante brillante dès la L3.
Cette stagiaire a intégré aujourd’hui l’un des meilleurs masters en droit du travail, et revient en alternance chez moi. Je n’ai pas eu besoin d’aller la chercher.
Mon objectif est simple : donner envie aux gens de revenir, de s’investir. Créer un environnement respectueux, formateur et stimulant.
IMAGINER LE CABINET DE DEMAIN
À plus long terme, quel avenir voyez-vous pour le métier d’avocat en droit social ?
Notre périmètre est de plus en plus challengé : experts-comptables, IA, plateformes… Les clients ont de plus en plus d’alternatives. Il faut donc proposer autre chose.
L’IA ne remplacera pas la capacité à analyser une situation humaine, à bâtir une stratégie sur mesure, à lire entre les lignes. Mais cela impose d’être très spécialisé et expérimenté.
À terme, je pense que nous devons aussi aller vers des offres plus globales : RH, formation, communication sociale… Être uniquement avocat ne suffira plus
Quel regard portez-vous sur l’arrivée de l’IA dans le métier d’avocat ?
Personnellement, je ne me sens pas menacé, parce que je fais principalement du conseil stratégique, très lié à l’humain. Mon quotidien, c’est 90 % d’échanges téléphoniques, pour comprendre une situation, poser les bonnes questions et proposer une solution sur mesure. L’IA ne sait pas faire cela.
En revanche, j’ai des inquiétudes pour les jeunes avocats. Pour être bon en conseil, il faut avoir traité de nombreux dossiers, avoir construit une véritable culture juridique. Si l’IA donne directement des solutions, on risque de perdre ce processus d’apprentissage essentiel.
Je pense que l’IA ne remplacera pas les avocats, mais qu’elle pourrait remplacer les collaborateurs débutants. Et cela pose de vraies questions sur la formation future.
LINKEDIN, ENTRE TRANSMISSION ET VISIBILITÉ
Pourquoi communiquez-vous sur LinkedIn ?
Parce que j’aime expliquer ce que je fais. J’ai un vrai goût pour la transmission. J’essaie de rendre les choses claires pour mes clients, et je fais pareil sur LinkedIn : je vulgarise des situations concrètes. Je ne fais pas de storytelling personnel, ce n’est pas mon approche. J’essaie plutôt de partager des contenus utiles et directement applicables.
Je travaille avec Mathilde Legrand , qui se lançait dans la communication quand nous nous sommes rencontrés. Nous avons construit ensemble une ligne éditoriale qui me ressemble.
Des personnes de mon réseau, de ma famille ou des confrères me disent souvent qu’ils lisent et apprécient mes publications.
Je passe peu de temps dessus : deux posts par semaine, une demi-heure maximum. Aujourd’hui, je le fais sérieusement, mais sans pression.
CONFIDENCES
Plus personnellement, quel enfant étiez-vous ?
J’avais besoin de stimulation intellectuelle. J’étais assez dissipé mais j’aimais apprendre lorsque quelque chose m’intéressait vraiment. J’avais aussi un sens de la justice très marqué : si je voyais une injustice, même dans un groupe d’amis, je pouvais me fâcher avec tout le monde pour défendre celui qui était lésé.
Je ne sais pas si j’étais déjà avocat dans l’âme, mais cette sensibilité était bien présente.
Pour conclure, quel conseil donneriez-vous à un jeune avocat ?
Mon conseil aux jeunes avocats serait de ne pas idéaliser trop vite l’association. Prendre le temps de se construire une clientèle solide, en restant collaborateur, peut être une excellente étape pour gagner en indépendance sans subir toute la pression financière immédiatement.
Également, travailler d’abord la technique. Être solide juridiquement est indispensable. La tentation est grande aujourd’hui de vouloir son propre cabinet très vite, mais il faut accepter une phase d’apprentissage.
Mieux vaut prendre le temps de se former correctement, plutôt que de brûler les étapes et de construire sur du sable.
Et surtout : rester humble. Se rappeler qu’on est au service de ses clients, pas de son ego. Écouter, comprendre, apporter des solutions. C’est ce qui fait un bon avocat.